30 septembre 1988: Ingrid en or, Robert en bronze ! La belle journée du judo belge
Il y a 30 ans, le 30 septembre 1988, Ingrid Berghmans devenait la première judoka belge à décrocher une médaille d'or olympique. Le même jour, Robert Van de Walle s'offrait le bronze. Un jour faste pour le judo belge...
- Publié le 30-09-2018 à 14h36
- Mis à jour le 30-09-2018 à 14h42
Il y a 30 ans, le 30 septembre 1988, Ingrid Berghmans devenait la première judoka belge à décrocher une médaille d'or olympique. Le même jour, Robert Van de Walle s'offrait le bronze. Un jour faste pour le judo belge...
Ingrid, la pionnière...
Avec Robert Van de Walle, Ingrid Berghmans a marqué l'histoire du judo, belge et international, dont elle fut la pionnière. Multiple championne du Monde et d'Europe dans les années 80, la Limbourgeoise d'origine et Liégeoise d'adoption a combattu en -72 kg, mais aussi en toutes catégories, face à des judokas à qui elle rendait parfois de nombreux kilos...
Elle était donc la grandissime favorite quand, en 1988, le judo féminin fut (enfin) intégré au programme olympique, à Séoul. Vingt-quatre ans après les hommes, à Tokyo, les femmes pouvaient démontrer tour leur talent sur le tatami ! Car, pour la petite histoire, cette première sud-coréenne fut qualifiée par le CIO de "sport de démonstration", ce qui valut à Ingrid un retour chahuté en Belgique, comme on le verra...
En ce 30 septembre 1998, Ingrid Berghmans se présenta donc pour ce qui devait le plus beau, le plus grand jour de sa carrière sportive. Le meilleur moment. Mais...
"Chaque titre, chaque médaille a son histoire !" lance-t-elle, trente ans plus tard. "Pour moi, ce sacre olympique fut particulièrement douloureux. Physiquement. Pour tout comprendre, il faut remonter six semaines avant. J'étais en stage en Suède et je me suis blessée dès mon premier entraînement. Il y avait beaucoup de monde, mais personne ne voulait s'entraîner avec moi. Ni les filles qui me craignaient, ni les garçons qui ne voulaient s'entraîner avec les filles... Alors, je me suis énervée. J'ai pris le premier venu, je lui ai mis uchimata et il a volé ! Mais, moi aussi, je suis tombée. Violemment. Résultats : quatre côtes et une clavicule luxées ! J'étais incapable de lever les coudes..."
Rentrée en Belgique, Ingrid a consulté son médecin et le verdict fut sans appel : notre championne devait tout simplement être opérée !
"Ce qui signifiait : pas de Jeux ! Inimaginable pour moi. Il m'a donc dit de revenir une semaine plus tard, précisant que, si j'étais capable de lever les coudes à la hauteur de mes épaules, il me délivrerait le certificat d'aptitude pour participer aux Jeux Olympiques. Pendant une semaine, je n'ai pas bougé. Marc, mon compagnon, s'occupait de tout à la maison. Et moi, je rongeais mon frein. Quand je suis retournée chez le docteur, je ne pouvais toujours pas lever les coudes comme il me le demandait, mais il n'aurait pas pu m'empêcher de prendre l'avion pour la Corée du Sud..."
Ingrid Berghmans s'est donc envolée pour Séoul sans sa partenaire d'entraînement habituelle en Belgique, refusée par le Comité olympique...
"J'étais seule. Même Robert (Van de Walle), avec qui j'étais en pétard, ne me parlait pas. Et je ne pouvais pas m'entraîner. Mais je me levais tôt, à cinq heures du matin, pour partir courir. Enfin, ce que je croyais courir jusqu'au jour où un gars m'a dépassée en marchant ! J'étais encore plus frustrée. Puis, je tuais le temps. J'ai assisté aux compétitions d'athlétisme. Mais, voyant que je ne m'entraînais pas, on m'a quand même demandé si j'étais sérieuse..."
Vint, alors, le jour J, ce fameux 30 septembre 1988...
"Je me suis levée et sentie plus forte que jamais. J'étais hyper motivée. C'était l'adrénaline, je pense. Et, comme quand j'ai décroché ma première médaille internationale, je savais que je gagnerais ! Mais j'avais encore mal. Heureusement, la compétition se déroulait sur une heure de temps. Mon premier combat m'opposait à la Brésilienne (Soraia André). J'ai bien rentré mon mouvement et elle est tombée. Ensuite, c'était la Japonaise (Yoko Tanabe), que j'avais battue l'année précédente au Mondial et qui me battra deux fois par la suite. Là, je l'ai emmenée au sol et immobilisée. Enfin, en finale, j'étais amenée à combattre contre la Sud-Coréenne (Mee-Jung Bae). Elle n'avait pas le niveau des autres et je l'ai battue sur une clé de bras. J'étais donc championne olympique !"
Avec Robert Van de Walle, sacré en 1980, à Moscou, Ingrid Berghmans a donc été la pionnière du judo féminin belge et internationale. Mais, à l'époque, elle n'était pas au bout de ses surprises ! À son arrivée à Bruxelles-National, sa médaille d'or autour du cou, Ingrid fut, en effet, interpellée par un journaliste qui lui demanda : "Comment vous sentez-vous avec votre médaille en chocolat ?", référence au "sport de démonstration".
"Jean-Michel Saive était à côté de moi et, quand on évoque nos souvenirs, il me demande encore comment j'ai pu garder mon sang-froid avec ce type..."
Ingrid n'avait sans doute pas envie de se blesser à nouveau en l'envoyant voler...
Robert, le bronzé
Ce 30 septembre 1988 fut un jour faste pour le judo belge qui remporta une deuxième médaille olympique avec Robert Van de Walle, bronzé après l'or en 1980.
Aux Jeux de Moscou, boycottés par les Américains, Robert Van de Walle disputa la finale en -95 kg. L'Ostendais, portant les couleurs de l'Ippon Club de Namur, s'imposa à l'issue d'un splendide combat dans la catégorie des mi-lourds en battant le champion du monde en titre, le Soviétique Tengiz Khubuluri, qu'une contre-attaque réussie envoya au tapis, ce qui valut à Van de Walle un waza-ari et la médaille d'or. Quatre ans plus tard, à Los Angeles, Robert fut éliminé dès le premier tour face à un Américain, sur décision d'un arbitre soucieux de ménager le public local. En 1988, à Séoul, il n'atteignit pas la finale, mais décrocha la médaille de bronze. L'Ostendais élimina, d'abord, le Coréen Ha, champion olympique en titre. Puis, le Soviétique Poddubny. Malheureusement, l'Allemand Meiling balaya ensuite Robert en moins de deux minutes. En repêchages, VdW s'offrit l'Américain Berland et, surtout, le Polonais Beutler, en dix-neuf secondes, pour s'offrir une nouvelle médaille olympique, de bronze.
Outre la performance de nos judokas, la délégation belge forte de 59 sportifs (35 hommes et 24 femmes) ramena une autre médaille de ces Jeux de Séoul, le bronze de Frans Peeters, au tir aux clays.
Dans le Temple de la Renommée
En 2013, en prélude du Mondial de Rio de Janeiro, Robert Van de Walle et Ingrid Berghmans sont entrés au Hall of Fame du judo. À l’instar de ce qui existe dans d’autres disciplines comme le basket-ball ou le tennis, ce Temple de la Renommée rend hommage aux meilleurs judokas, masculin ou féminin, et dirigeants ayant contribué au développement de leur sport. Pour le coup, Ingrid Berghmans fut la première femme à être ainsi honorée. Jusqu’alors, ils n’étaient que trois à figurer dans le Hall of Fame du judo, créé en 1999, à savoir : Jigoro Kano, fondateur du Ju-do (ou Voie de la Souplesse), Anton Geesink, champion olympique toutes catégories en 1964, à… Tokyo, en battant le héros national Akio Kaminaga, et Charles Palmer, président de la Fédération internationale de 1965 à 1979. “J'étais très fière et très honorée d’être la première femme à entrer dans le Hall of Fame du judo ! En fait, quand je me retourne sur le passé, j’ai l’impression que mon époque était la préhistoire. Dans les années 80, il était rare pour une fille de pratiquer un sport de combat comme le judo. Je suis, bien sûr, heureuse d’avoir montré la voie.” En 2015, Gella Vandecaveye a rejoint ce beau duo dans ce prestigieux IJF Hall of Fame...
Le palmarès d'Ingrid Berghmans
- Élue Sportive belge du Siècle en 2000.
- 8 fois Sportive belge de l’Année (1980, 1982, 1983, 1984, 1985, 1986, 1988, 1989).
- Trophée National du Mérite Sportif en 1982.
- Médaillé d’or aux JO 1988 de Séoul (-72 kg).
- 6 titres de championne du monde (-72 kg et toutes catégories), de 1980 à 1989, + 4 médailles d’argent et 1 de bronze.
- 7 titres de championne d’Europe (-72 kg et toutes catégories), de 1983 à 1989 + 4 médailles d’argent et 3 de bronze.
Le palmarès de Robert Vande Walle
- 2 fois Sportif belge de l'Année (1979, 1980)
- Trophée National du Mérite Sportif en 1979.
- Médaillé d'or aux JO 1980 de Moscou (-95 kg).
- Médaillé de bronze aux JO 1988 de Séoul (-95 kg).
- 5 podiums aux Championnats de Monde: 2x 2e, 3x 3e.
- 17 podiums aux Championnats d'Europe: 3x 1er, 5x 2e, 9x 3e.
- 1976-1992 : Premier judoka à participer à 5 Olympiades.
13
La Belgique a remporté 13 médailles dans les épreuves de judo aux Jeux Olympiques
3 or
- Robert Van De Walle, 1980, Moscou (-95kg)
- Ingrid Berghmans, 1988, Séoul (-72kg) "en démonstration"
- Ulla Werbrouck, 1996, Atlanta (-72kg)
1 argent
- Gella Vandecaveye, 1996, Atlanta (-61kg)
9 bronze
- Robert Van De Walle, 1988, Séoul (-95kg)
- Heidi Rakels, 1992, Barcelone (-66kg)
- Harry Van Barneveld, 1996, Atlanta (+95kg)
- Marie-Isabelle Lomba, 1996, Atlanta (-56kg)
- Gella Vandecaveye, 2000, Sydney (-63kg)
- Ann Simons, 2000, Sydney (-48kg)
- Ilse Heylen, 2004, Athènes (-52 kg)
- Charline Van Snick, 2012, Londres (-48kg)
- Dirk Van Tichelt, 2016, Rio (-73 kg)